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Shein : vente d’objets pédocriminels, la plateforme de E-commerce dans la tourmente

Le signalement par la Répression des fraudes de la vente de poupées à caractère pédocriminel sur la plateforme Shein a déclenché une vive réaction politique et médiatique.

Il ne s’agit pas d’objets « pornographiques » mais bien « pédocriminels », dont la simple détention est un délit en France.

Si les produits concernés ont été rapidement retirés, l’affaire met en lumière les défaillances systémiques des grandes places de marché en ligne et soulève des questions cruciales sur la protection de l’enfance à l’ère du commerce mondialisé.

De quels objets pédocriminels parle-t-on ?

Au cœur du scandale se trouve un produit spécifique, mais emblématique. Il s’agit d’une poupée en silicone de 80 centimètres, vendue plus de 200 euros, représentant une fillette aux cheveux tressés, vêtue d’une robe blanche et tenant un ours en peluche.

Selon la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la description accompagnant le produit, ainsi que les commentaires laissés par des acheteurs, ne laissaient aucun doute sur sa nature pédopornographique.

Cette même poupée était commercialisée sur AliExpress :

En 2022, un acheteur français a été condamné pour l’acquisition d’une telle poupée

La qualification juridique est essentielle : comme l’a martelé la haute-commissaire à l’Enfance, Sarah El Haïry, il ne s’agit pas d’objets « pornographiques » mais bien « pédocriminels », dont la simple détention est un délit en France.

Un problème qui dépasse la seule plateforme Shein

L’enquête a rapidement démontré que Shein n’était pas un cas isolé.

Un produit identique a donc été identifié sur la plateforme AliExpress. (voir la capture plus haut réalisée ce jour sur Google Shopping)

Précédemment, des controverses similaires ont éclaboussé le géant Amazon.

Dès 2020, ce dernier avait dû supprimer de son catalogue des produits similaires suite à des alertes d’associations, et en 2022, un acheteur français a été condamné pour l’acquisition d’une telle poupée sur le site. Cette récurrence démontre que le problème est sectoriel et non limité à un seul acteur, posant la question de l’efficacité des mesures de contrôle à l’échelle de l’industrie.

Le modèle de la « marketplace »

Comment de tels produits peuvent-ils se retrouver en vente libre ?

La réponse se trouve en partie dans le modèle économique de ces plateformes.

Shein, comme Amazon ou AliExpress, fonctionne en grande partie comme une place de marché (marketplace), mettant en relation des millions de vendeurs tiers avec ses 23 millions de clients en France.

Une part minoritaire des articles est produite directement par l’entreprise.

Ce système, basé sur un volume massif de transactions et une rotation quasi instantanée des produits, crée des angles morts dans la modération.

Malgré les dispositifs de contrôle invoqués par les plateformes, des vendeurs parviennent à les contourner, notamment en utilisant des images explicites sans descriptions textuelles compromettantes, une « entourloupe » dénoncée par Sarah El Haïry.

Quel cadre juridique et quelles sanctions ?

La législation française est pourtant claire :

La diffusion de représentations à caractère pédopornographique est passible de peines allant jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.

L’absence de systèmes de filtrage efficaces pour protéger les mineurs peut ajouter trois ans de prison et 75 000 euros d’amende.

Pour Shein, cette affaire s’ajoute à un passif déjà chargé, l’entreprise ayant écopé en 2025 de trois amendes pour un total de 191 millions d’euros pour diverses infractions en France.

Une réponse gouvernementale ferme et la traque des acheteurs

Face à la gravité des faits, la réponse du gouvernement a été particulièrement ferme.

Le ministre de l’Économie, Roland Lescure, a menacé d’interdire l’accès à Shein en France en cas de récidive.

Au-delà de la sanction envers la plateforme, les autorités ont affiché une nouvelle détermination : remonter la chaîne des responsabilités jusqu’aux acheteurs.

La haute-commissaire à l’Enfance a confirmé que des discussions étaient en cours pour obtenir les fichiers des clients ayant acquis ces objets, soulignant que la France serait l’un des principaux marchés pour ces produits.

La traçabilité des transactions (cartes bancaires, adresses de livraison) rend cette identification possible. Cette démarche s’appuie sur le fait que la détention de ces objets est un délit et sur le lien avéré entre la consommation de contenus pédocriminels et le passage à l’acte.

En convoquant l’ensemble des acteurs de l’e-commerce, le gouvernement entend désormais imposer un tour de vis général.

L’affaire Shein aura ainsi servi de catalyseur, transformant un scandale commercial en une question de sécurité publique et de protection de l’enfance à l’échelle nationale.

 

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